Animation de projets socioculturels: une formation au cœur des missions de la Ligue

Lundi 6 mai 2024

Journal de la formation, créé collectivement en 2020 – Extrait (illustration Audrey Dion)
Audrey Dion, secteur formation de la Ligue de l'Enseignement

Au mois de mai débute, comme chaque année, notre formation à l’animation de projets socioculturels en 17 journées. Pour la Ligue, en tant qu’association d'éducation permanente, cette formation se situe au cœur de nos préoccupations: il s’agit en effet pour nous de rassembler de futur·es professionnel·les de l’animation pour développer leurs compétences, mais aussi et surtout pour susciter une réflexion collective sur l’évolution de la société et ses enjeux.

Comment tendre vers un monde plus juste, inclusif et égalitaire, vers une économie plus durable, des collectifs plus démocratiques et créatifs, des individus plus libres et épanouis? Avec quels types de projets, quelles initiatives, quels outils et méthodes? Au-delà des techniques d’animation ou de gestion de groupe proposées, nous invitons aussi nos participant·es à formuler leurs propres réponses à ces questions et à nourrir une démarche professionnelle critique et porteuse de sens.
La formation vise autant des personnes déjà actives dans le secteur socioculturel, mais occupant des fonctions éloignées de l’animation, que des personnes issues d’un tout autre secteur et en quête d’un métier porteur de sens et d’engagement. Le parcours s’organise autour de trois fils rouges, qui se croisent et se rejoignent sans cesse. Le premier aborde bien sûr les enjeux de l’animation de groupe et propose de nombreux outils qui permettent de les prendre en charge. Le deuxième s’attaque à la conception et à la gestion d’un projet dans le secteur socioculturel: comment rendre cette démarche pertinente, inclusive, collective, émancipatrice? Le troisième décortique le contexte institutionnel et légal dans lequel les participant·es sont amené·es à évoluer, et la manière dont sont structurés les secteurs associatif et non marchand.

Les enjeux de l’animation

Le premier fil rouge propose donc au groupe en formation d’analyser les enjeux de l’animation de groupe et de processus collectifs. Dans ce cadre, le groupe est invité à vivre et expérimenter plusieurs dispositifs d’animation, qui sont ensuite décortiqués pour mettre en lumière leurs objectifs visés par les dispositifs, leurs avantages et leurs limites, et les effets attendus.
Parmi ces méthodes, on retrouve toute une série d’activités «brise-glace» qui favorisent la rencontre, la construction d’un sentiment de sécurité ou d’appartenance au groupe, la collaboration ou encore un regain d’énergie par la mise en mouvement. On retrouve aussi des outils plus complexes, comme les jeux-cadres de Thiagi, des photos-langage, des dispositifs pour débattre ou pour construire un argumentaire, des activités de brainstorming ou de récolte d’information, des jeux de rôle ou encore des outils d’évaluation.
Au travers des séances de débriefing et de réflexion plus méthodologique, les futurs animateurs et animatrices peuvent ainsi comprendre ce qui crée et définit un groupe, ainsi que les différentes dynamiques qui le traversent. Ils sont familiarisés avec leur futur rôle et avec les fonctions importantes à prendre en charge: faciliter, réguler, produire un résultat. Ils ont l’occasion de découvrir des outils qui permettent de donner la parole, de mieux communiquer, mieux fonctionner en groupe, mais aussi des techniques qui permettent de mettre un groupe au travail, de faciliter une réflexion collective, de poser un cadre clair et structuré, de récolter du feedback.

Depuis deux ans, un nouvel outil d’animation est proposé lors de la formation: la facilitation visuelle. Cette méthode graphique associe texte et éléments visuels pour simplifier la communication, donner vie aux idées et les partager de manière plus impactante et accessible. Elle peut être utilisée dans une multitude de contextes, mais elle est particulièrement efficace lors qu’elle est employée pour faciliter les processus collaboratifs et la création en groupe.

L’expérience de la coanimation

Vers la fin du parcours de formation, les participant·es sont amené·es à prendre en charge, en binôme, une séquence d’animation et à la proposer au reste du groupe. Un moment phare pour mettre en pratique les différents apprentissages, mais aussi pour faire l’expérience de la coanimation. Ce moment permet également à chaque personne de définir son style d’animation personnel, en déterminant les types d’activité avec lesquelles elle est à l’aise, en testant différentes manières de donner des consignes ou encore en adoptant différentes postures: faciliter, intervenir et guider ou, au contraire, se mettre en retrait.

Journal de la formation, créé collectivement en 2019 – Extrait sur les outils du projet socioculturel.

Développement d’un projet dans le socioculturel

La formation comprend une semaine complète en formule résidentielle: les participant·es, tout en continuant leur parcours de formation, vivent sept jours et six nuits complètes ensemble. Cela induit bien sûr une dynamique particulière et une expérience de groupe incomparable avec des journées de formation classiques.
Ce temps précieux est mis à profit pour aborder les questions relatives au développement et à l’animation d’un projet collectif dans le secteur socioculturel. Au cours de la semaine, le groupe découvre et apprend à utiliser une dizaine d’outils afin de mieux comprendre ce qui fait la raison d’être d’un projet et de proposer des démarches répondant aux besoins des publics visés de la manière la plus pertinente et adéquate possible.
Il s’agit notamment d’apprendre à bien définir la situation de départ d’un projet et les obstacles qui la jalonnent. Ces obstacles, qui sont souvent énumérés comment autant de facteurs empêchant la réussite d’un projet – ou autant de raisons de ne pas le mener – sont en réalité l’essence même du projet et ce qui lui donne toute sa raison d’exister. Le moment où le groupe en prend conscience est toujours un temps fort de la formation.
Il s’agit aussi d’apprendre à construire une représentation partagée autour de cette situation de départ, de mieux cerner l’ensemble des publics impliqués et leurs attentes respectives, et de les intégrer à la construction de solutions pour contourner les obstacles. Plus que de proposer des techniques d’organisation et de planification d’un projet, cette dizaine d’outils invite plutôt les futurs animateurs et animatrices à s’attaquer à la question essentielle du sens: pourquoi met-on en place un projet socioculturel? Pour nourrir quels objectifs? A destination de quel public, et pour répondre à quels besoins?

Pour un monde plus juste

La méthodologie qui régit ces journées de travail est particulièrement formative. Au début de la semaine, chaque participant·e formule une idée personnelle de projet sur laquelle se pencher. Des sous-groupes sont ensuite créés: un des membres du sous-groupe décrit son idée, puis ce sont les autres membres qui s’en emparent pour la construire et la préciser grâce aux outils évoqués ci-dessus. Les sous-groupes sont changés à chaque nouvelle séquence de travail, de manière à ce que l’on ne travaille jamais individuellement et directement sur sa propre idée. Cela permet aux participant·es de prendre du recul sur leur projet, qui leur tient souvent beaucoup à cœur. Cela permet aussi de réaliser comment le projet est perçu et pensé par les autres; on revient à l’idée de la représentation partagée évoquée plus haut. Enfin, le résultat final obtenu au terme de la semaine est une véritable construction collective, enrichie par les points de vue et expériences de toutes les personnes du groupe!
La découverte des différentes idées de projet des participant·es crée aussi une base très fertile pour des réflexions plus engagées, des discussions sur les valeurs et questions socialement vives soulevées par ces idées. C’est l’occasion de découvrir des secteurs d’activité, des publics bénéficiaires, des associations ou des combats militants spécifiques. C’est l’occasion de s’intéresser à des démarches visant un monde plus égalitaire, plus juste, plus démocratique!

La compréhension du paysage institutionnel

La familiarisation avec le contexte institutionnel et légal du secteur socioculturel constitue le dernier fil rouge de la formation. Au travers de la découverte des horizons professionnels des participant·es, du travail sur les projets de chacun et chacune, une arborescence, un réseau se tisse et permet de mieux comprendre comment se structurent les secteurs associatif et non marchand. Ministères et administrations, cadres et décrets légaux, pouvoirs subsidiants vers lesquels se tourner pour trouver un support financier, matériel ou humain, etc. La formation tente de clarifier au maximum le paysage institutionnel dans lequel vont s’ancrer les projets et futures missions professionnelles du groupe.
La formation propose aussi une réflexion sur l’utilisation des ressources en animation ou en projet. Comment financer ses démarches et valoriser les aides de nature différente d’un apport financier ou d’une subvention? Comment nouer et consolider un partenariat ou un réseau d’échanges de services, de supports, de moyens matériels? Comment continuer d’exercer un regard et des actions critiques tout en répondant aux exigences du cadre institutionnel qui régit et finance le secteur? Et, plus généralement, comment renforcer l’entraide, l’action et la vie associative?

La primordiale question de l’évaluation

Pour conclure ce parcours de formation, nous abordons l’incontournable évaluation des projets et des activités. Que veut dire évaluer, à quoi cela sert et comment le fait-on? Cette dernière séquence nous permet de souligner la différence entre ce qui relève pour nous du contrôle et de l’évaluation. Lorsque nous mesurons si nos objectifs ont été atteints, que nous relevons tous les indicateurs qui nous permettent de savoir si nos critères de réussite sont bien remplis, nous sommes dans le contrôle. Nous mesurons en fait l’écart qui peut exister entre le résultat obtenu au terme du projet et les objectifs initiaux que nous nous étions fixés. Bien souvent, cet écart indique une différence, une image négative, qui peut être utile dans une optique d’amélioration, mais qui crée aussi souvent du découragement.
Dans leurs projets et animations, nous invitons plutôt nos groupes à privilégier l’évaluation, c’est-à-dire la valorisation de tout ce qui a été accompli, la conscientisation de tous les petits progrès qui suscitent une image positive, de la motivation et l’envie d’aller toujours plus loin.
Mener un projet socioculturel implique bien sûr d’offrir à son public un moment de rencontre, de partage, de plaisir. Mais au-delà de l’aspect agréable d’évoluer en groupe et de tisser des liens, un projet socioculturel vise souvent un changement de comportement chez les individus du groupe, voire un changement collectif et sociétal plus impactant encore. Pour nous, il importe que nos participant·es conscientisent que le fait d’assurer un climat plaisant, bienveillant et de générer de la satisfaction reste sous leur contrôle et leur responsabilité, mais que ce qui relève de l’apprentissage, du changement de représentation ou de comportement est en revanche entre les mains du public que l’on accompagne. D’où l’importance, au travers de nos projets, d’encourager, de combler les besoins, d’apporter de la reconnaissance, pour ouvrir la voie vers la capacité d’agir et penser par soi-même, vers l’autonomie, l’accomplissement de soi et l’émancipation!

 

La prochaine session de la formation à la Ligue:
Formation d'animateurs et animatrices de projets socioculturels

Cette formation vous propose 17 journées de formation pour acquérir les compétences de base en animation socioculturelle et clarifier votre projet personnel d’animateur ou d’animatrice.
Les 18, 19, 20, 21 mai, 1, 2, 15, 16, 29, 30 juin, du 1 au 5 juillet, 7 et 8 septembre 2024 de 9h à 17h
Plus d’infos et inscriptions: https://ligue-enseignement.be/formations/formation-danimateurtrices-de-…

mai 2024

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